Trium Médias
08h00 – 17/07/2025
Je vous écris de Toronto. Pour certaines raisons, je suis appelé à y venir régulièrement depuis quelques mois. Pour les Québécois, Toronto est une ville qui eut jadis mauvaise réputation. Une ville «plate» entendait-on, en raison, notamment, des bars qui fermaient tôt et qui n’acceptaient que les adultes de 21 ans et plus. Pour acheter bière, vin et alcool fort, il fallait se rendre dans des «liquor stores» et montrer patte blanche.
D’ailleurs ça me rappelle une anecdote. La première fois que j’ai mis les pieds à Toronto, c’était dans le cadre d’un tournoi national de balle rapide. J’avais 18 ou 19 ans. Sachant que l’âge légal pour sortir dans les clubs était de 21 ans, moi et quelques coéquipiers, on avait falsifié nos cartes étudiantes. Avec la lime à ongles de ma mère, on avait transformé le 1964 de notre date de naissance en 1961. Ça avait marché. Le «doorman» du bar de notre hôtel, dans la pénombre, n’y avait vu que du feu. Puis, des années plus tard, j’y ai passé deux sessions universitaires pour étudier l’anglais. Je me suis fait une blonde iranienne, Shahrzad. Elle était de Téhéran. Mais son père et son frère aîné, opposants au régime de l’Ayatollah Khomeini lors de la révolution islamique ont été arrêtés et exécutés, le reste de la famille a donc dû fuir pour atterrir... à Toronto.
Ce fut une année formidable. Avec les autres étudiants de ma classe, on se retrouvait pour des partys chez les uns et les autres, on sortait dans les discos, on flirtait, on faisait la fête, on allait dans les pubs jouer aux dards, on passait des heures chez «Sam The Record Man» sur Yonge Street, le Saint Graal pour l’achat de vieux vinyles. Bref pour moi, Toronto est tout sauf plate.
Or j’y rencontre depuis que j’y reviens plusieurs personnes avec qui j’échange sur le pays. Si vous connaissez un peu Toronto, vous savez qu’elle a différents visages. Des visages basanés, bridés, noirs. Une grande diversité, une grande richesse. Comme les Québécois, les Torontois reçoivent mal les politiques tarifaires de Trump et adoptent les mêmes réflexes. Ils se tournent vers l’achat local (tout ce qui est made in Canada), et planifient leurs vacances autre part que chez l’Oncle Sam. Bien entendu, je tente de leur vendre le Saguenay-Lac-Saint-Jean. La vaste majorité ne sait pas que notre région existe... Plus drôle encore (je préfère employer le terme drôle) plusieurs ignorent que le Québec est une province de langue française. Deux solitudes dites-vous ? Mais le plus important, c’est le lien qui nous unit avec ces gens, peut-être au delà de tout: l’économie.
Dans son discours lors de la fête du Canada, le nouveau «pm» Mark Carney a ouvertement déploré « la fin d’une ère de coopération » entre Ottawa et Washington, regrettant la disparition d’une harmonie jadis considérée comme acquise et il a souligné que l’introduction de droits de douane à répétition provoquait un climat de défiance croissante. Il a parlé des vieilles amitiés qui s’effritent, rappelant que notre économie est attaquée par une guerre commerciale que nous n’avons pas déclenchée.
Ici à Toronto, à seulement quelques dizaines de kilomètres des États-Unis, on sent très bien que les communautés frontalières souffrent d’un climat de méfiance. L’élan convivial qui les animait autrefois est à la baisse. C’est que l’économie du sud de l’Ontario dépend beaucoup de la relation d’affaire liée au pacte de l’auto.
Dans ma plus récente carte blanche, j’ai suggéré des endroits de vacances à quelques pas du Saguenay et du Lac, mais pour celles et ceux voulant se pousser un peu plus loin, l’Ontario a de quoi offrir, bien au-delà du cliché faussement romantique des chutes du Niagara. On peut aller se perdre dans le parc Algonquin, en canot, en camping ou pour faire de la rando (y’a quand même 1 600 km de sentiers). Y’a la péninsule Bruce, avec ses eaux cristallines et des falaises calcaires. Les Mille-Iles, sur le Saint-Laurent, cet archipel de plus de 1 800 îles avec châteaux historiques, ses manoirs et ses épaves sous-marines. Les bancs de sable du parc Pointe-Pelee et de Sandbanks. Et, bien sûr, si vous n’y avez jamais mis les pieds, y’a ici, Toronto, la métropole cosmopolite. Offrez-vous, et aux enfants, une partie de baseball, les Jays jouent bien ces temps-ci...