Effondrement du chemin Ulysse
Tout porte à croire que la route aurait pu résister aux torrents du 14 septembre 2022 si le ponceau avait été remplacé selon les règles de l’art. — Yohann Harvey Simard
19h00 – 16/07/2025
Jean Dufour est mort par noyade après que sa camionnette eut basculé dans un cours d’eau le long du chemin Ulysse. C’est qu’une partie de la route avait alors été emportée par les eaux, dont le niveau était particulièrement élevé en raison des pluies torrentielles qui s’abattaient ce matin-là. Récemment, le coroner remettait son rapport d’investigation entourant le drame survenu le 14 septembre 2022. Sans établir de lien de causalité, l’enquête révèle que le décès de M. Dufour aurait possiblement pu être évité si, en mai 2022, des travaux de réparation sur le ponceau impliqué dans l’effondrement de la route avaient été effectués de façon adéquate. Voici les grandes lignes du rapport d’investigation.
Aux environs du 26 avril 2022, les services municipaux de Saint-Henri-de-Taillon constatent un effritement du chemin Ulysse en raison de l’affaissement partiel d’un ponceau.
Étant donné que ledit ponceau, le même qui sera impliqué dans les évènements du 14 septembre 2022, se situe à la limite d’Alma et de Saint-Henri-de-Taillon, il est entendu que c’est le service de voirie d’Alma, du fait de ses plus grandes capacités techniques, qui dirigera les travaux de réparation. Les employés de la Ville décident que les travaux consisteront à insérer un ponceau en plastique de plus petit diamètre dans le ponceau métallique existant endommagé.
Le ponceau métallique d’origine est complètement écrasé sur la moitié de sa longueur, tandis que le reste est écrasé en partie, mais en forme ovale. Ainsi, le service de voirie d’Alma procède ainsi au retrait de la section complètement écrasée et insère, sur une longueur d’environ 10 pieds, une section neuve en plastique à l’intérieur de la section de ponceau métallique qui est écrasée de moindre façon.
Remplacement par un plus petit ponceau
Un employé de la Ville déclare que la nouvelle section de ponceau en plastique a un diamètre de 48 pouces et qu’elle s’insère de justesse dans le ponceau métallique restant qui, avant d’être partiellement écrasé en forme ovale, possédait un diamètre de 60 pouces.
Seront plus tard ajoutées deux autres sections de ponceau en plastique de même diamètre (48 pouces) pour former un ponceau rabouté d’une longueur totale de 60 pieds.
À l’issue des travaux, le ponceau est donc composé de quatre sections: une en métal partiellement écrasée dont le diamètre d’origine était de 60 pouces, et trois nouvelles sections en plastique d’un diamètre de 48 pouces jointes à l’aide de collets fixés par des vis. Alors que le ponceau précédent avait toujours permis à l’eau de s’écouler adéquatement, l’installation d’un ponceau plus étroit soulève des « questions fondamentales quant à l’écoulement des eaux », peut-on lire dans le rapport.
La chaussée abaissée
Un employé de la Ville d’Alma mentionne par ailleurs que dans le cadre des travaux, la chaussée a été abaissée de deux à trois pieds par rapport à sa hauteur initiale.
C’est que puisqu’il s’agissait de travaux temporaires et que l’on souhaitait minimiser la quantité de remblai à transporter sur le site, apprend-on dans un rapport d’expertise joint au dossier du coroner, la chaussée se trouvant au-dessus du ponceau, plutôt que d’être remblayée, a simplement été abaissée par rapport à son élévation originale.
Pas de plan et plusieurs manquements
De plus, notons qu’aux dires d’un autre ouvrier ayant travaillé sur le chantier, aucun plan n’a été utilisé pour mener les travaux, travaux durant lesquels plusieurs normes n’ont pas été respectées.
D’abord, selon la marche à suivre suggérée par le fabricant des nouvelles sections de ponceau en plastique, il y aurait dû avoir un espace libre de deux pouces entre la nouvelle section en plastique et l’ancienne en métal dans laquelle elle a été insérée.
Ensuite, la section métallique d’origine aurait être dû débosselée avant l’insertion de la nouvelle en plastique.
Enfin, une fois toutes les sections de ponceau fixées les unes aux autres, il aurait fallu, toujours comme la procédure l’indique, injecter du coulis de béton entre le ponceau métallique existant et les sections neuves insérées à l’intérieur afin de combler le vide entre les différentes sections.
En conclusion
Selon le coroner, « l’accident ayant coûté la vie à M. Jean Dufour aurait peut-être pu être évité par la réparation par un professionnel agréé, des plans et devis conformes aux règles de l’art ainsi que par le calcul de l’apport hydrique du bassin versant en amont du ponceau du chemin Ulysse et par le calcul de la capacité d’évacuation du ponceau installé. »
Par ailleurs, le coroner recommande à l’Ordre des ingénieurs du Québec de procéder à une analyse de la suite des événements mentionnés dans le rapport pour ensuite prendre toutes les mesures appropriées afin d’assurer le respect des dispositions légales applicables aux fins de la protection du public en pareilles circonstances.
Du côté d’Alma, le directeur général adjoint de la municipalité, Jean Paquet, affirme: « nous demeurons profondément attristés par ce décès. Nos pensées accompagnent la famille et les proches, à qui nous réitérons toute notre solidarité dans cette épreuve. Nous avons pris connaissance avec sérieux des conclusions du coroner. Le ponceau en question avait fait l’objet d’une réparation temporaire et devait être remplacé. Il est important de préciser que tous les travaux de remplacement de ponceaux sont toujours réalisés à partir de plans et devis préparés par des ingénieurs. Ce drame nous rappelle à quel point la prévention doit demeurer au cœur de nos actions. C’est un devoir que la Ville s’engage à assumer avec la plus grande rigueur. »