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Crise des médias ? Et nous Et nous là-dedans ?

15h58 – 21/11/2023

Par Alexandra Gilbert, Directrice numérique

Depuis quelques années maintenant, et plus récemment depuis les licenciements annoncés chez TVA, vous entendez dire que la crise des médias est la faute des GAFA de ce monde. GAFA pour Google, Apple, Facebook et Amazon. Ce qui ressort publiquement, c’est que ces géants du numérique sont les gros méchants qui aspirent tout le contenu des médias avant de le redistribuer sur leur plateforme, encaissant les revenus publicitaires, sans remettre le moindre sou auxdits médias.

Privés de revenus publicitaires, qui constituent leur pain et leur beurre, ces journaux, télés et radios sont ainsi forcés de couper du personnel, donc des journalistes, donc il y a moins de nouvelles. Conséquence, les citoyens sont privés de points de vues, d’angles et de sujets pour se forger une opinion, ce vide laissant également la place aux nouvelles non vérifiées, aux rumeurs, aux potins et aux opinions plus ou moins avisés de tout un chacun.

Mais comme pour n’importe quel sujet, tout n’est pas noir et blanc. D’abord, des 4 GAFA, celui en cause est, en grande partie, Facebook. Or Mark Zuckerberg ne songeait aucunement, lorsqu’il était en train de créer Facebook dans sa petite chambre d’étudiant de Harvard en 2003, à cannibaliser le contenu informatif des médias du monde entier pour s’en servir comme appât auprès des annonceurs. Zuckerberg et son Facebook n’ont créé qu’un environnement où les utilisateurs pouvaient partager des photos de voyage, des nouvelles de la parenté, des rendezvous pour une fête de famille, et dévoiler s’ils étaient célibataires ou non.

Sauf que c’est NOUS, les abonnés de Facebook, qui avons commencé à partager des articles de journaux et des reportages.

C’est NOUS qui avons annulé nos abonnements au câble et aux journaux parce qu’on trouvait ce qu’on voulait sur internet.

C’est NOUS qui avons fait gonfler le trafic sur le web de manière exponentielle, incitant les acheteurs de publicité à investir chez Facebook et Google.

C’est NOUS qui avons fait de Facebook, Twitter, Instagram et maintenant TikTok les places publiques modernes où s’échangent les idées et se déroulent les débats.

C’est NOUS qui avons utilisé ces sites pour en faire un gros Wikipédia de l’information.

Ne trouvez-vous pas paradoxal que celles et ceux dénonçant les géants du web passent leur message par… Facebook et Twitter? Ironiquement, ils et elles ont maintenant besoin d’eux pour atteindre leur public.

NOUS avons chacun, comme individu, une part de responsabilité à assumer dans le constat que maintenant, les médias sont en crise. C’est d’abord et avant tout de notre faute. Et preuve que les GAFA n’en ont rien à cirer, preuve que le partage des nouvelles n’a jamais fait partie de leur modèle d’affaires, ils retirent tout simplement le contenu informatif de leur plateforme, comme c’était le cas au départ, au tout début de leur mise en ligne. Et ils survivront très bien.

Résultat, on se retrouve aujourd’hui sans infos sur les sites que nous avions l’habitude de consulter. Nous sommes victimes de notre propre turpitude et les médias, eux, en paient le prix fort. Il commence à être tard pour les sauver, il faudrait une hausse aussi significative qu’improbable des abonnements et un retour des annonceurs.

Heureusement, des modèles sont encore viables, par exemple les hebdos comme celui que vous tenez dans vos mains (ou que vous lisez sur le site web), dont les annonceurs visent l’ultralocal. Même chose pour la radio communautaire. Quant aux autres médias privés, Le Quotidien, les radios locales, et ce qui va rester de TVA, ils sont à chérir et à protéger.